Inclusion et diversité en enseignement supérieur 

Sous la codirection de :

- Emilie Doutreloux (titulaire de la Chaire de leadership en enseignement en équité, diversité et inclusion en éducation - Banque Nationale et professeure adjointe à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université Laval)

- Didier Paquelin (titulaire de la Chaire de leadership en pédagogie de l’enseignement supérieur et professeur titulaire à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université Laval).

Soumis à de fortes pressions sociétales, démographiques et technologiques, les établissements d’enseignement post-secondaire ont à relever le défi de la diversification des étudiantes et des étudiants qu’ils accueillent (Avouac et Harari-Kermadec, 2022 ; Cayouette-Remblière et Doray, 2022, De Clerq, 2023). Ces institutions éducatives ont été conçues depuis des décennies selon des principes d’unicité et de conformité, traduisant une forme magistrale de l’enseignement et de l’apprentissage ancrée dans des configurations spatiales, une urbanité singulière au cœur ou en périphérie de centres urbains, renforçant par l’éloignement d’ères rurales les inégalités d’accès à l’enseignement post-secondaire. Alors que dans les années 1960 débutait une longue période de massification de l’enseignement post-secondaire, les établissements et les acteurs de la communauté pédagogique sont maintenant appelés à considérer les effets de la démocratisation qui perturbe les schémas antérieurs de la reproduction sociale, entre évolution des caractéristiques des publics étudiants, arrivée du numérique et changements des pratiques pédagogiques.

Appréhender ces évolutions sous le prisme de la diversité et de l’inclusion offre un croisement de regards pluridisciplinaires sur des situations inédites qui interpellent à la fois les valeurs et les identités professionnelles des personnels enseignants et pédagogiques, mais également des responsables d’établissements invités à réviser le cadre et les règles qui régissent leurs actions. Tout ceci, dans un monde en mouvement et dans un contexte postpandémique qui n’est pas un retour à un état antérieur, mais bien l’émergence de situations nouvelles où les implicites historiques, tels que la co-présence physique dans un même lieu, ne sont plus les attendus d’une diversité d’acteurs.

Le projet éditorial de ce numéro est de mobiliser des analyses de pratiques, des recherches et réflexions sur la reconnaissance de l’autre, la personne étudiante, dans sa diversité, dans ce qui lui est propre pour lui permettre d’exprimer son plein potentiel. Ces évolutions, ces transformations, supposent un accompagnement des acteurs que sont les personnes enseignantes et les personnes étudiantes.

1-Les publics en évolution

Le phénomène de démocratisation de l’enseignement post-secondaire se traduit par une évolution des profils étudiants depuis plusieurs décennies (Annoot et al., 2019), qui se différencient de plus en plus par leurs caractéristiques sociodémographiques, leurs parcours antérieurs, leurs attentes, besoins et contraintes vis-à-vis de la formation. Cette diversification des publics étudiants a tendance à progresser. Une évolution engagée il y a plusieurs années comme le rappelle Glauser (2018) mentionnant par exemple que 34% des personnes étudiantes étaient en emploi en 2016 (Glauser, 2018).

De plus, l’état de santé des personnes étudiantes est souvent précaire (Mattig et al., 2018). Longtemps délaissée, la santé des personnes étudiantes est désormais reconnue comme déterminant de la réussite académique (Romo et al., 2019). Les spécificités des études post-secondaires qui sollicitent des capacités d’autonomie, génèrent du stress de performance et supposent de concilier de plus en plus travail-vie personnelle-études, ce qui accroît cette fragilité et renforce la précarité qui dépasse la simple sphère financière. Un public de plus en plus hétérogène du fait de son contexte socioéconomique, ses caractéristiques sociodémographiques, une hétérogénéité à laquelle les pratiques pédagogiques et l’organisation doivent répondre.

Cette diversité aux multifacettes interpelle les organisations éducatives et leurs acteurs et questionne la capacité de la forme universitaire actuelle dans la prise en compte des besoins singuliers, créant une tension entre les intérêts individuels et les intérêts collectifs. Cette problématique est renforcée par le contexte économique qui recherche en permanence l’optimisation des moyens sur des temporalités courtes, alors que les transformations attendues s’inscrivent dans des temps longs.

Les propositions d’articles aborderont cette problématique en proposant d’apporter des éclairages, des cadres d’analyse et des résultats quant à la réalité de ces diversités dans les établissements d’enseignement post-secondaires et aux actions mises en œuvre pour mieux connaitre le public et prendre en compte les diversités identifiées. Comment identifier et caractériser ses diversités dans une perspective d’inclusion ?

2- Les pédagogies et la diversification des espaces physiques et numériques

Les établissements d’enseignement post-secondaire sont plus qu’un ensemble de bâtiments qui délimite un campus. Ce sont des espaces d’enseignement, d’apprentissage, de rencontres et de socialisation. Ils sont le milieu de vie apprenante et de développement citoyen. Leur architecture, les configurations spatiales traduisent une approche et une pratique pédagogique conventionnellement centrée sur le savoir, sa transmission, davantage que sur le processus et les conditions de l’apprentissage. Appréhender les établissements comme milieu urbain académique élargit le point de vue pour dépasser le simple aménagement des locaux de cours, pour appréhender la diversité des lieux et des activités. Une diversité dont l’un des objectifs est d’accueillir les singularités étudiantes en proposant une mixité spatiale où des lieux dédiés à des activités spécifiques jouxtent des lieux ouverts à une pluralité de pratiques. Cette évolution de l’urbanité académique est rendue nécessaire par le développement de pédagogies actives dont les activités sont déployées dans des espaces physiques et numériques conduisant à une reconfiguration qui dépasse les frontières traditionnelles du bâti académique.

Également, face à la présence des technologies, les établissements d’enseignement post-secondaire ont mis en place une diversité d’actions, des infrastructures et de services numériques, plus ou moins définis par des schémas directeurs de l’urbanisation numérique conçu au sein des organisations. L’arrivée du numérique dans les activités d’enseignement et d’apprentissage s’étend à une diversité de pratiques, ouvrant vers des modalités de formation diversifiées. La formation en présence sur le campus, nommée « présentiel », cohabite avec des modalités qui proposent des activités d’enseignement et d’apprentissage via un environnement numérique d’apprentissage et qui se décline de manière synchrone et asynchrone. Une multiplicité de combinaisons pédagogiques qui visent à répondre à des besoins à la fois quantitatifs, suite à la massification de l’enseignement post-secondaire, mais également qualitatifs offrant plus de flexibilité et renouvelant les modes d’interactions dans une perspective de renforcement du sentiment de proximité quand bien même les activités sont proposées à distance.

Quelles sont les pratiques spatiales étudiantes à la fois physiques et numériques ? Participent-elles de l’inclusion ou renforcent-elles l’exclusion ? Comment, dans une perspective d’inclusion, penser le design pédagogique qui hybride matérialité physique et immatérialité numérique ? Quels sont les effets de cette mixité sur l’engagement et la persévérance étudiante ? Comment le numérique peut-il contribuer à l’inclusion ? Comment appréhender le design pédagogique dans une perspective inclusive ?

3- L’évolution des pratiques d’enseignement : les pratiques novatrices inclusives

La reconnaissance des singularités et leur prise en compte dans les pratiques d’enseignement et d’apprentissage requiert une évolution des savoirs et des compétences des concepteurs, conceptrices pédagogiques et des personnes enseignantes (CAST, 2024). Des repères méthodologiques et pragmatiques sont aujourd’hui disponibles, tels que la conception universelle de l’apprentissage susceptible, par sa mobilisation, de guider et soutenir la transformation pédagogique. Toutefois, la simple maitrise d’un outil ne peut suffire à modifier durablement les pratiques qui sont ancrées dans un écosystème de valeurs, croyances, règles et normes qui organisent les habitus et les routines enseignantes et étudiantes depuis des décennies. Ainsi, cette évolution requiert des conditions pour quitter la sécurité du quotidien et oser la différenciation pédagogique.

Comment soutenir les personnes enseignantes dans ce qui peut être perçu comme une prise de risque ? Comment oser initier un processus de transformation au niveau des pratiques et de l’organisation ? Comment préparer les personnes étudiantes à vivre et à être actrices de ces évolutions ? Comment documenter et analyser les pratiques novatrices inclusives ?

Bibliographie :

Annoot, E., Bobineau, C., Daverne-Bailly, C., Dubois, E., Piot, T. et Vari, J. (2019). Politiques, pratiques et dispositifs d’aide à la réussite pour les étudiants des premiers cycles à l’université : bilan et perspectives. Paris. Cnesco.

Avouac, R. et Harari-Kermadec, H. (2022). L'université française, lieu de brassage ou de ségrégation sociale? Mesure de la polarisation du système universitaire français (2007-2015). Economie et Statistique, (528-529), 63-83.

CAST (2024). Directives de la conception universelle de l’apprentissage version 3.0, Lynnfield, MA : Auteur

Cayouette-Remblière, J. et Doray, P. (2022). L’enseignement supérieur en recomposition. Lien social et Politiques, (89), 4-15.

De Clercq, M. (2023). Les défis de l’enseignement supérieur : entre accessibilité, équité et réussite. Diversité. Revue d'actualité et de réflexion sur l'action éducative, (202 volume 1). Disponible à https://publications-prairial.fr/diversite/index.php?id=3808

Glauser, W. (2018). Faites place aux étudiants au parcours non traditionnels, Affaires Universitaires, en ligne https://www.affairesuniversitaires.ca/articles-de-fond-fr/faites-place-aux-etudiants-au-parcours-non-traditionnel/, [consulté le 28 février 2025]

Mattig,  T., et  Chastonay, P. (2018). La santé des étudiants universitaires : une responsabilité sociale de l’université. Données de littérature et réflexion sur le rôle possible de l’université, Éthique et Sant., Vol 15 - N° 4 - décembre 2018, 207-266 

Romo, L., Nann, S., Scanferla, E., Esteban, J., Riazuelo, H. et Kern, L. (2019). La santé des étudiants à l’université comme déterminant de la réusite académique. Revue québécoise de psychologie, 40(2), 187‑202. Érudit. https://doi.org/10.7202/1065909ar

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Dans le but d’ouvrir la réflexion, les communications pourront prendre la forme d’articles conceptuels, de résultats empiriques, d’études de cas ou de notes de recherche. Les recherches interdisciplinaires, sectorielles, locales, nationales ou internationales sont encouragées.

Les propositions (articles complets) devront nous parvenir avant le 30 octobre 2025.

La revue s’engage à prendre connaissance des articles proposés aussitôt reçus.